Jolis Ouvrages
Se pencher sur d’autres textes moins connus, permet de mieux comprendre une œuvre et le chemin qu’il a fallu parcourir pour la construire. Souvent prémices d’une pensée globale qui fera la signature de l’auteur, l’aboutissement de ses réflexions. Les écrivains « majeurs » n’ont, à proprement parler, pas de mauvais textes, pas de textes inutiles. En se penchant sur l’ensemble de leur travail, on se rend compte assez rapidement que chaque ligne est une pièce du puzzle, qu’il constitue l’œuvre à part égale avec ce qui s’étudie de prime abord.
L’auteur du « Capitaine Fracasse » avec sa nouvelle « Deux acteurs pour un rôle » fait immédiatement penser à Goethe et à Gérard de Nerval. Il y est dit que le rôle de Méphisto ne peut pas être anodin. Il requiert une interprétation toute particulière car le diable a des exigences. En tout état de cause, le comédien plonge bien au-delà de son jeu ordinaire.
Après la lecture de cette nouvelle, la découverte de Théophile s’impose. En quelques pages, il se révèle et nous assiste dès fois que notre comprenette serait en panne, prouve qu’éclectisme et Gautier sont des synonymes.
L’exaltation, la passion instinctive et profonde, nous conduisent malgré nous à la folie, à la peur, au désarroi. Avec la nouvelle « La nuit » de Maupassant, le lecteur fusionne sans aucune peine avec le narrateur tant le ressenti exprimé est universel, identifiable pour chacun de nous. Une nouvelle quasiment passé sous silence. Et pourtant quelle authenticité ! Perdre pied, la crainte que cela suggère, donne un sens aux terreurs qui guettent nos pas, fussent-ils actes d’amours. Et Guy n’est pas le dernier quand il s’agit d’amour ou de libertinage. Comprenez ce que vous voulez mais lisez « La nuit ».
L’œuvre du père Hugo est immense. Les « Misérables » viennent à l’esprit de tous, pourtant c’est insuffisant pour qui souhaite découvrir le travail de ce Monsieur. Une mise en bouche s’impose avant que de cueillir ce qui fit sa notoriété. J’entends par mise en bouche la lecture de « Claude Gueux ». Véritable plaidoyer contre la peine de mort. Facile à lire, accessible et compréhensible pour tous même pour les lecteurs de… (je ne vais pas être désobligeant… cette fois-ci).
Avec « Claude Gueux » vous accédez au début d’une longue histoire avec Victor, l’ami respectable de tous, celui qui pense parfois pour nous quand nous perdons pied dans d’abstruses pensées.
Et ensuite « Dernier jours d’un condamné » « Quatre-vingts treize » « Les contemplations ». Après, c’est comme vous voulez mais je doute que vous en restiez là. (Si si si vous êtes capable du meilleur !)
Pour ceux qui connaissent déjà, à qui je n’apprends rien, pourquoi ne pas recommencer ?
« Colomba », « Carmen » ou « Mateo Falcone » ont marqué avec force l’esprit de jeunes lecteurs qui y ont trouvé une émotion, un souffle épique tant l’écriture de Mérimée est incisive, charnelle, ironique, suffisamment profonde pour laisser des traces, pour rester une référence longtemps après l’épisode scolastique. Le miel d’hier se savoure encore aujourd’hui.
« Tamango » est une nouvelle ou le thème de l’esclavage est finement abordé avec un regard expert sur la connaissance, les croyances et ce qu’elles induisent dans nos comportements. Une courte nouvelle à faire découvrir ne serait-ce que parce que Mérimée, à l’image de Victor Hugo, Montesquieu, Jules Verne et bien d’autres y dénonce à sa manière, l’esclavage, qu’il a contribué de sa plume à la prise de conscience. Les fers ne sont pas une fatalité, l’homme doit redresser la tête, c’est le prix pour perdurer avec un brin d’avenir prometteur à transmettre.
De toutes les nouvelles de Vercors que j’ai lu (et j’en ai lu pas mal), il en est une qui à mon sens mérite un bon coup de projecteur. Mon propos, bien sûr n’a pas pour but de minimiser « Le silence de la mer » petit bijou s’il en est, à savourer au coin du feu (hi hi hi).
« L’impuissance », c’est de cette nouvelle dont il s’agit, est une puissante métaphore qui pose une vraie question à toutes les personnes cultivées ou pensant l’être. Celles qui n’ont de cesse de se convaincre du bien-fondé de la connaissance et de la réflexion, de leurs utilités, des vertus indiscutables qu’elles représentent.
Avec « L’impuissance » le héros, prêt à se livrer au pire autodafé, se désespère. Je cite :
A quoi bon persévérer alors ?