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Posez-vous les bonnes questions

Posté le février 18, 2023 at 2:37 pm par / No Comments

Les bibliothèques d’échanges et de partages fleurissent aux quatre coins de l’hexagone et c’est tellement mieux à bien des égards. En tout cas, j’y trouve souvent mon miel et principalement des ouvrages que je n’aurais probablement pas achetés chez mon bon vieux libraire. Et puis, c’est aussi l’endroit où je dépose pour une autre vie, des livres qui m’ont marqués, après les avoir lus et relus, sans pour autant les rendre tout esquintés presque en lambeaux (j’apporte un soin particulier aux livres, presque maladif, peut-être parce que je sais ce qu’ils représentent et sous-tendent). Bref, je cède avec plaisir des livres beaux comme des dieux, comme bien d’autres. Tout ça pour dire que ces bibliothèques ne sont pas forcément des déchetteries crades. Non mais, des fois !

Le but est de partager avec des humains au sens littéral du terme car je connais ces humains. Frères lecteurs de tous pays, zaï, zaï, zaï, zaï, qui me chantent à l’oreille leurs humeurs, leurs enthousiasmes et même leurs déceptions ( mais peut-être que peut-être, ce livre est fait pour un autre que moi ?). Nous sommes identiques quand nous plongeons au cœur des histoires, des connaissances, des réflexions pour oublier parfois nos réalités, mais souvent pour en vivre d’autres ; ne serait-ce que pour abolir (abonnir aussi) les barrières qui se dressent entre nous quand nous ignorons tout de l’autre. La peur de l’inconnu « qui z’appellent ça ». En fait, il ne s’agit que d’ignorance.

Cette fois-ci, j’en ai déposé un gros paquet. Parmi ces pages : « Le monde de Sophie » de Jostein Gaarden (1991). Un petit « précis » initiatique de philosophie qui connut un succès retentissant (c’est comme ça qu’il faut dire quand un bouquin fait du fric) mais, à mon sens, mérité. Jostein me permit de mesurer l’étendue de mon ignorance tout en me rassurant (j’arrivais enfin à comprendre… parfois). D’ailleurs depuis cette lecture répétée, mes formules sont moins lapidaires, plus explicites et font même preuve de discernement.

Avant de vaquer à d’autres occupations, j’ai prélevé un livre tout neuf, du style cadeau de Noël qui encombre, dans la mesure où il m’est apparu comme le pendant du « Le monde de Sophie ».

« Le plaisir de penser » André Comte-Sponville (2022) Une introduction à la philosophie.

La philosophie, c’est comme les crevettes grises.

Pour en apprécier la finesse, il faut prendre la peine de les décortiquer ; mais quand la faim vous tenaille, vous dévorez la bête avec ses habits et ses entrailles.

Visiblement premier lecteur de cet exemplaire, j’ai pris la peine de décortiquer et n’en fus point marri.

Dans ce monde où tout un chacun nous assène des vérités sur des sujets dont il ignore tout, ou l’expression-phare serait de « ne pas se prendre la tête » lorsque tout reste à résoudre, ou soigner les effets sans se préoccuper des  causes est devenu la règle ; un brin de jus de cerveau agrémente à coup sûr une vie qui se mord la queue. Une vie plate et monocorde pour tromper son ennui. Dans ce monde, disais-je, philosopher, c’est penser par soi-même. Sans aucun doute le meilleur chemin pour parvenir à la mort dans de bonnes dispositions d’esprit, un tantinet libre.

Ce monde plastifié complaisant avec notre paresse intellectuelle, se fourre le doigt dans l’œil quand il s’imagine que dynamiser le cerveau est un acte vain, un facteur d’emmerdements. Se muscler les boyaux de la tête, bien au contraire est l’antidote à ce qui te pose un problème citoyen. Citoyen, lapin décérébré, tes impensés te perdent. Les lieux communs, petit légume, ne t’offrent qu’automatismes et réactions épidermiques propres à ne rien tolérer tout en subissant tout.

« Le plaisir de penser » riche de douze chapitres invite à se pencher sur les questions qui nous turlupinent. L’Amour, la Mort, le Temps, la Sagesse… Plusieurs chemins. L’avis du philosophe, plutôt clair, précis, compréhensible par le plus grand nombre. Quelques phrases significatives de quelques penseurs à la hauteur (Epicure, Descartes, Alain, Montaigne se côtoient au travers du temps)  qui ont aussi leur mot à dire. Et puis votre avis, celui qui coule de source quand on s’est pris la tête, celui qui réconforte ; alors, chaque jour nous fait un peu moins con que la veille. D’autant qu’avec plusieurs centaines de citations émanant de brillants esprits qui se sont penchés sur douze thématiques majeures, vous aurez du grain à moudre.

Un petit dernier pour les plus curieux. Il prenait la poussière entre deux polars (preuve de mon éclectisme sans faille).

« Initiation à la Philosophie pour les non-philosophes » Louis Althusser (2014) aux Presses Universitaires de France.

Si après ces lectures, vous bredouillez encore d’insanes et d’obscures pensées,

posez-vous les bonnes questions !

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